Le World Press Photo 2015


Vous saviez que le World Press Photo est une organisation indépendante à but non lucratif basée à Amsterdam aux Pays-Bas. Elle a été créé en 1955. Le bureau d’Amsterdam opère en tant que plateforme d’un réseau de professionnels dans le monde entier : un réseau qui permet d’organiser le concours, des expositions ... et bien oui.

C'est le plus prestigieux concours de photojournalisme dans le monde. Le premier prix du "World Press Photo 2015" a été décerné au Danois Mads Nissen. Son image, prise à Saint-Pétersbourg, montre un jeune couple homosexuel dans son intimité. Elle a été réalisée dans le cadre d'un sujet consacré aux discriminations faites aux homosexuels en Russie.


C'est rarement la subtilité qui caractérise ce concours, on y prime plutôt les effets spectaculaires, les sentiments exacerbés (douleur, tristesse), les actions fortes (bombardements, tueries, torture), l’hémoglobine… Cette année, comme pour répondre aux reproches faits depuis longtemps à cette imagerie répétitive et souvent pleine de clichés, le concours a choisi de récompenser une photo sans action marquante, ni scène tragique. 

Les photographies choisies permettent de retracer les moments forts de l'année 2014 : les manifestations anti-gouvernementales à Istanbul, l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest, la finale de coupe du monde de football au Brésil, le tournoi de Wimbledon, le manque d'emploi en Belgique…

Le concours traite également des situations de la vie quotidienne. C'est le cas de l'image gagnante: prise à Saint-Pétersbourg, elle montre un jeune couple homosexuel dans son intimité. Les poses, le clair-obscur et le décor (le drapé d'un rideau) font bien plus référence à la peinture hollandaise qu'à la photo de guerre. Les faits traités sont bien tragiques – la discrimination et la violence contre les homosexuels en Russie mais ils sont illustrés par une image de tendresse et d’affection.

"L'image gagnante, pour avoir un impact, doit avoir le potentiel de devenir emblématique. Cette photo est esthétiquement puissante. Elle a une humanité. C'est une image très très subtile", a commenté la présidente du jury Michelle McNally, rédactrice en chef adjointe du New York Times. "Limage gagnante montre ce qu'un photographe professionnel peut faire dans une situation de la vie quotidienne", a réagi pour sa part Pamela Chen, directrice éditorial d'Instagram et membre du jury.
Une photo qui montre non seulement le quotidien, mais qui a été prise dans un pays proche, pas sur le terrain d’une guerre lointaine. « C'est une chose qui manque souvent dans le photojournalisme, on a toujours l'impression qu'il faut chercherl'exotique », a commenté Donald Weber, autre membre du jury. Patrick Baz, de l’Agence France Presse, qui a également participé au jury, a insisté sur Twitter: « Ce prix parle d’amour et de haine, de paix et de guerre, et on n’a pas besoin de sang et de destructions pour décrire ça. »
Mais le prix retrace d'autres histoires plus ou moins banales : le marché des chevaux dans la province du Sichuan en Chine, Laurinda qui doit attendre son bus dans un quartier défavorisé d'Australie, la découverte d'un village réservé aux délinquants sexuels aux Etats-Unis, un singe en train de s'entraîner pour un numéro de cirque…

D'autres interrogations ont été soulevé au concours: la manipulation des images.
Le directeur général du World Press Photo, Lars Boering, a déclaré dans un communiqué : « Cette année, le jury a été très déçu de découvrir avec quelle légèreté les photographes ont traité leurs fichiers soumis à la compétition. Quand un élément a été ajouté ou retranché de l’image, cela nous a conduits à rejeter l’image en question. (...) Il semble que certains photographes ne peuvent résister à la tentation de rehausser leurs images soit en enlevant de petits détails pour nettoyer une image ou parfois à changer la tonalité de façon excessive, ce qui constitue un changement réel de l’image. Ces deux types de retouches compromettent l’intégrité de l’image. »
Les retouches ont particulièrement affecté la section « sports », au point que le jury a renoncé à décerner le troisième prix de la catégorie « stories », faute de candidat « propre »

Patrick Baz, photographe réputé pour sa couverture des guerres, en particulier au Proche et Moyen-Orient, et membre du jury du World Press cette année, pense que manipuler une image, c’est mentir. C’est surtout dire : « Ce n’est pas ce que mon œil a vu mais c’est ce que j’aurais aimé que mon œil voie. » "Il n’existe pas à mes yeux des manipulations mineures ou majeures. Les photographes qui utilisent ces méthodes pour gagner des prix doivent être sanctionnés.
C’est comme dans les compétitions sportives. Quand un athlète est dopé, il est éliminé de la compétition, voire banni."

Art versus journalisme
"Doit-on bannir des confrères ? Pourquoi pas. Car c’est la profession qui perd sa crédibilité.
La photo est un art très subjectif mais dans photojournalisme, il y a aussi le mot journalisme qui doit prédominer.
Dans ce métier, nous avons besoin de nos dix commandements car si nous ne traçons pas une ligne rouge, l’art prendra le dessus sur le journalisme." (C'est pas faux!!! les photojournalistes ne font pas de la photographie plasticienne, mais là clairement à propos de la photographie de Mads Nissen, certes il n’y a peut-être pas eu de modification de l’image en elle-même mais quid de ce qui a été pris en photo, de l’éclairage, du cadrage, etc. ? Est-ce-que si le photographe n’avait pas été là le couple aurait eu cette position, l’éclairage aurait-il été le même, etc. ? même si on ne parlera pas de mise en scène, ici le(s) sujet(s) aurai(en)t pu être manipulé(s)...)
« Chasseurs de prix »
"Je suis triste de voir que notre profession a été ternie par des « chasseurs de prix » qui utilisent le mensonge pour décrocher la reconnaissance, et compromettent ainsi l’essence même du photojournalisme.
Certains d’entre eux n’ont pas besoin de « travailler » leurs images pour gagner, et il est choquant de voir ce qu’ils ont fait. Pour cette raison, le public remet en question la crédibilité même de notre métier.
Je ne suis pas le seul à risquer ma vie ; je pense à nos aînés et à ceux qui nous ont montré la voie, comme Robert Capa, Eugène Smith ou Don McCullin, pour n’en citer que quelques-uns. Et je me demande quelle aurait été leur réaction..."

La seule façon de faire une photographie objective serait de faire une photographie volée, où les acteurs de la photographie ne savent pas qu’ils sont photographiés...

La photographie est un éternel sujet de débat!

@+



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